Feed-back des pairs, peer to peer ou de pire en pire ? 

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Au détour d’une note Intranet sur la fixation des objectifs partagés 2023, parue le 16 janvier dernier, la fonction P nous a annoncé la mise en place du « Feedback des pairs » ; notons au passage que cette note vue 8325 fois a été « likée »  6 fois… c’est dire la part cachée de l’enthousiasme des salariés sur certaines innovations managériales.

Le calcul ou la forme des objectifs évoluent sans cesse depuis 5 ans. Les objectifs individuels sont devenus des objectifs hyper-collectifs dont le résultat financier est dépendant de paramètres macro-financiers de l’entreprise. Un système désormais opaque pour les salariés ne leur permet plus d’anticiper l’atteinte de leurs objectifs et donc la hauteur de leur prime de l’année suivante. L’entreprise explique que c’est pour plus de justice. La Cfdt en doute et jugera sur les résultats.  

Quant à l’évaluation par les pairs va peut-être de soi dans certaines cultures, de type anglosaxonnes, mais dans d’autres pays dont la France où la culture est quelque peu hiérarchique, le simple fait d’imaginer qu’on puisse évaluer le travail de nos collègues – dont on ne connait pas tout le contexte – et qu’eux-mêmes puissent le faire du nôtre, suscite plutôt la peur ou la colère, très rarement l’adhésion.  

Le feedback des pairs ou 360° existe déjà, il est utilisé au besoin dans des situations très particulières pour des objectifs précis et met souvent une pression forte sur les personnes. Une systématisation ne fera qu’augmenter la pression dans l’entreprise et la charge de travail.  

La Cfdt demande à l’entreprise de bien vouloir co-construire ce nouvel outil avec les organisations syndicales dans chaque pays pour l’adapter à chaque contexte social et national, et de prévoir des tests sur des périmètres restreints. 

Il est fondamental de mesurer les avantages réels de l’évaluation par les pairs mais aussi les risques et dérives possibles, avant toute généralisation.  La Cfdt est prête à participer à cette évaluation. 

Chris Boyer, élu du CSE de Clermont-Ferrand

2 commentaires

  1. Bonjour, 2 points retiennent mon attention :
    – « ne leur permet plus d’anticiper l’atteinte de leurs objectifs et donc la hauteur de leur prime de l’année suivante » Ceci sous entendrait que le niveau d’atteinte des objectifs de performance pourrait etre défini avant même la réalisation des taches/missions nécessaires. Pour moi ce n’est pas l’objet de primes de performance ce cas de situation, c’est la réalisation de son activité courante pour laquelle j’ai déjà mon salaire fixe… si le fonctionnement des objectifs de performance qui impacte la rémunération variable est ainsi utilisé dans certains secteurs, ce n’est pas étonnant que l’entreprise veuille faire évoluer ce processus, car ce n’est pas le principe des primes de perfo (et surement pas équitable) !
    – le feedback entre pairs est un outils hyper puissant ! je ne comprend pas votre positionnement qui est contradictoire avec des positions précédentes et le reproche de nombreux salariés qui aujourd’hui estiment que leur manager n’est pas le plus à même d’évaluer leur activité quotidienne. En effet la position du management a évoluée depuis plusieurs années maintenant dans l’entreprise, à la demande des employés, et le manager n’est plus celui qui définit les taches de ses collaborateurs et suit au jour le jour les résultats. Les collègues/pairs d’un collaborateur au sein d’une équipe projet ont tout autant de légitimité à faire des feedbacks (si ce n’est plus). « La France a une culture hierarchique »… on entendait cela dans les années 80-90-2000… mais les choses évoluent, il faut s’ouvrir un peu ! Nous sommes une entreprise mondiale qui doit réussir à attirer les talents et jeunes générations ! Avec de l’accompagnement (role de coaching des managers), tout le monde est capable de faire des feedbacks positifs et constructifs à ses collègues, c’est pas plus compliqué que de le faire à ses enfants….

    1. Bonjour Julien. Merci pour votre réaction.
      Une bonne pratique de la part du salarié et du manager était de veiller à ce que les objectifs soient SMART – entre autre ambitieux mais réalistes. S’ils le sont, et qu’ils soient ou non partie de la mission, le salarié est en mesure de savoir combien de temps ils vont lui demander et qu’elle est la probabilité  de les atteindre. Il pouvait envisager d’aider un collègue pour effectivement atteindre un objectif collectif local. En ce sens, les objectifs locaux, dont on mesure tous les jours la progression, parce que leurs résultats sont devant nos yeux, sont plus prévisibles qu’un objectif pour la zone Europe du Sud ou le monde. Ma remarque n’avait rien à voir avec la facilité ou pas de l’objectif. Par ailleurs, je trouve très étrange que l’entreprise se plaigne d’un manque d’équité, parce que certains objectifs à l’ancienne mode seraient trop faciles, en prenant la création d’un « ppt » pour une portion d’un objectif (pour quelqu’un qui n’a jamais utilisé ppt, cela peut être compliqué) alors qu’on voit dans les nouveaux objectifs des objectifs réellement ardus et d’autres où il suffira de bien répondre à l’enquête avancer ensemble, certes de manière groupée, pour en obtenir un entier. 
      Sur le 2e point, la presse étrangère continue de souligner notre étrange « monarchie républicaine » et la référence explicite à Jupiter par la plus haute hiérarchie date au moins de 2017. On voit la qualité du dialogue de nos instances nationales en ce moment même – c’est adulte, bienveillant, à l’écoute dans la recherche du compromis pour l’intérêt général – je plaisante bien sûr. La culture met du temps à changer. Par ailleurs, la Cfdt est ouverte au changement, merci de ne pas caricaturer nos propos, mais nous voulons essayer avant d’appliquer ces méthodes partout sous prétexte que cela marche ailleurs sur des bases culturelles très différentes. Je ne sais pas combien de salariés français ont des coachs pour managers, il faudrait leur poser la question explicitement, nous verrions peut-être quels sont les secteurs matures pour l’expérience… J’aimerais être persuadé que la majorité des familles font des feedbacks positifs et constructifs à leurs enfants et que leur éducation a beaucoup progressé depuis ce changement culturel… peut-être pourrions nous demander aux professeurs des écoles ce qu’ils en perçoivent…    

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