Actionnariat salarié : nous pouvons influencer la stratégie de l’entreprise

L’entreprise a annoncé son intention d’augmenter la part de l’actionnariat détenu par ses salariés pour atteindre 4%. Ce constitue un vrai changement de stratégie que la CFDT soutient.

Pendant la plus grande partie de son histoire, Michelin avait volontairement exclu les salariés de sa structure capitalistique.

Ce n’était pas le choix d’autres grandes entreprises du CAC40, qui ont au contraire favorisé un actionnariat salarié puissant.

Les entreprises qui ont le plus fortement développé l’actionnariat salarié appartiennent majoritairement à 3 secteurs d’activité :

  • La construction : Bouygues (20,3%) est champion du CAC40. Ses concurrents de taille plus modeste ont également un taux d’actionnariat salarié élevé : Eiffage (20%) et Spie (6,1%)
  • Les banques et assurances : Société Générale, Crédit Agricole, BNP et AXA sont dans le panier de tête
  • Les entreprises spécialisées dans le traitement de l’eau et des déchets : Vinci (8,9%) et Veolia (4,1%)

Dans le secteur automobile, Renault (3,5%) et Valeo (2,7%) sont devant Michelin.

Un actionnariat salarié fort donne à ces entreprises deux types de bénéfice :

  • Une indépendance vis-à-vis d’investisseurs institutionnels parfois plus intéressés par le profit court terme (je veux 15% de rentabilité !) que par un développement harmonieux de l’entreprise, intégrant un volet social sincère.
  • Une source de motivation pour les salariés actionnaires, de nature économique, mais qui touche aussi au sentiment d’appartenance à l’entreprise.

Il est un cas emblématique où les 2 bénéfices se sont associés pour orienter une stratégie d’entreprise : en 1999, la Société Générale fait l’objet d’une OPA de la part de BNP. Les salariés actionnaires ont soutenu leur direction et leurs droits de vote (ils détenaient alors 6% du capital et 11% des droits de vote) ont pu sauver l’entreprise.

Qu’en est-il de Michelin aujourd’hui et quelles sont les perspectives ?

Malgré toute une série d’opérations d’actionnariat salarié depuis 2010 (les opérations BIB’Action), Michelin, avec 2% du capital détenu par les salariés, est à la 21e position, loin de la moyenne des entreprises du CAC40 : 3,3%.

Ah si seulement les milliards d’Euros investis depuis 10 ans dans le rachat puis la destruction d’actions pour faire monter le cours de l’action avaient été proposés au rachat par les salariés …

Cependant, la direction sait combien le morcellement important de son actionnariat (le premier actionnaire, Blackrock, détient moins de 5% du capital) peut constituer un handicap.

Aux côtés de la SAGES – la société de gestion des actions de la famille Michelin qui représente 7% du capital et plus de 10% des droits de vote et dispose du droit de nommer le(s) gérant(s) – une association avec les salariés actionnaires pourrait constituer un noyau stable et solide.

Michelin lance donc un nouveau programme mondial BIB ACTION en 2022.

La division par 4 de la valeur de l’action rend son achat plus accessible pour les salariés du groupe, en particulier dans des pays où le niveau de salaire est bas. L’annualisation des opérations BIB’Action devrait permettre aussi une croissance accélérée de l’actionnariat salarié.

Le prix d’achat sera déterminé prochainement. Il est déterminé par la loi et ne peut être inférieur à 80% du cours moyen des 3 derniers mois. Compte tenu de la forte baisse du cours de l’action, il devrait être proche de 25€.

Les modalités évoluent de manière importante par rapport au plan précédent, lancé en 2020 :

  • l’accès à l’actionnariat devient possible pour qui ne peut investir que moins de 100€
  • l’abondement est beaucoup moins intéressant pour ceux qui ont une capacité d’épargne limitée (entre 100 et 300€)
  • l’abondement est plus intéressant pour ceux qui ont une plus forte capacité d’épargne, supérieure à 700€

La CFDT s’interroge : pourquoi avoir dégradé l’offre pour les plus bas revenus ? C’était tout à fait évitable et le signal envoyé est négatif : le sentiment que sont privilégiés ceux qui ont la plus forte capacité d’épargne.

Inversement, la CFDT se félicite que l’abondement soit prolongé jusqu’à un investissement de 1250€ (au lieu de 400€ en 2020).

Pour la CFDT, un facteur clé de succès de l’Entreprise est de donner un sens commun à l’association « actionnaire salarié ». Cela passe nécessairement par l’émergence d’une nouvelle vision de la place des salariés dans l’entreprise : il faut sortir d’une logique de centre de coût pour les considérer comme des partenaires indispensables au maintien d’un leadership technologique et à la croissance, y compris dans le domaine pneu.

C’est ainsi qu’il sera possible de contribuer aussi à la croissance des autres secteurs d’activité.

Denis Paccard, Christophe Leroux, élus Cfdt du CSE de Clermont

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